Bonjour,
Je suis référente sociale d'une dame réfugiée Afghane. Elle a sa mère au pays âgée de 71 ans, une sœur de 35 ans atteinte de la polio en fauteuil roulant et une petite sœur de 17 ans. Elles sont en attentent de leur passeport depuis 7 mois. Elles expliquent ne pas pouvoir se rendre au Pakistan ou en Iran sans passeport. Evidement la dame que j'accompagne souhaite que sa famille la rejoigne en France.
Peuvent-elles écrire leur récit à l'OFPRA directement? Que puis-je leur conseiller?
Merci,
GEORGELIN Anouk
Bonjour,
Tout d’abord, étant donné que Madame souhaite qu’une partie de sa famille la rejoigne en France, je me permets de faire un rappel sur la procédure de réunification familiale (article L561-2 du Ceseda) qui permet aux personnes ayant été reconnues bénéficiaires de la protection internationale d’être rejointes par certains membres de leur famille, à savoir :
- Le∙la conjoint∙e dont l’union est antérieure à la demande d’asile (mariage, pacs ou concubinage) ;
- Les enfants mineur∙e∙s et non-marié·e·s resté∙e∙s au pays
- Les parents si la personne reconnue BPI est mineure (qui peuvent dans ce cas venir accompagnés de leurs autres enfants mineurs restés au pays).
Si la personne que vous accompagnez n’est pas mineure, elle ne pourra pas faire venir les membres de sa famille évoqués par le biais de la réunification familiale.
Vous trouverez plus d’informations à ce sujet et également sur le regroupement familial dans notre Guide d’accès aux droits page 55, dans notre fiche juridique sur la réunification familiale ou encore dans notre Capsule de l’intégration sur la réunification familiale.
Pour information, c’est aux membres de la famille concernés d’entamer la procédure de réunification familiale en déposant leur demande de visa long séjour auprès des autorités consulaires françaises sur place. Il est alors nécessaire que chaque membre de la famille concerné∙e s’inscrive sur la plateforme en ligne France Visas pour pré-remplir une demande de visa long séjour. Une fois cette demande effectuée vous pouvez prendre rendez-vous à l’ambassade ou au consulat de France dans le pays dans lequel ils se trouvent.
En effet, l’ambassade de France en Afghanistan étant actuellement fermée, il est nécessaire de se rendre dans un autre pays pour accéder à une représentation française qui délivrera un visa long séjour. Pour information : pour se rendre au Pakistan, un visa est nécessaire et le séjour doit être régulier pour se rendre en ambassade et demander un visa et pouvoir sortir du territoire. Les ambassades françaises refusent presque systématiquement la délivrance de visa à des ressortissant·e·s afghan·e·s résidant illégalement en Pakistan puisqu’ils∙elles ne pourront pas quitter le territoire. Ils refusent parfois dans ce cas que la demande de visa soit déposée. Il arrive néanmoins que des visas soient délivrés à Islamabad, pour pouvoir sortir du Pakistan. La « Proof of registration card » (PoR) permet de prouver la régularité de séjour des personnes afghanes sur le territoire pakistanais, en régularisant leur séjour irrégulier a posteriori. Il arrive également que certaines personnes se voient délivrer un exit permit même après un séjour irrégulier (à savoir, ces démarches sont longues et coûteuses), facilitant l’octroi d’un visa. La demande s’effectue auprès du prestataire AEG Services. Malheureusement nous n’avons pas connaissance de solution pour rentrer de manière légale au Pakistan ou en Iran sans document de voyage.
À titre informatif, pour les personnes qui arrivent à se rendre dans un pays voisin afin de déposer une demande de réunification familiale et qui ne possèdent pas de passeport, il est possible d’obtenir un laissez-passer consulaire.
En effet, si la présentation d’un passeport est indispensable à la délivrance d’un visa long séjour, il arrive fréquemment qu’il ne puisse être présenté, il est donc possible d’effectuer une demande de laissez-passer auprès des autorités consulaires françaises au pays.
Ce document fait office de titre de voyage individuel, délivré pour un seul voyage et pour une durée maximale de 30 jours à compter de la date de son établissement. Selon le décret n°2004-1543 du 30 décembre 2004 relatif aux attributions des chefs de poste consulaire en matière de titres de voyage - Article 8, le laissez-passer peut être délivré par le consulat français dans le pays de départ, à un∙e ressortisant∙e étranger∙ère ne pouvant fournir de document de voyage. La demande de laissez-passer se fait par courrier avec accusé de réception au Consulat français, en parallèle de la demande de visa long séjour et doit être transmise accompagnée d’un courrier expliquant l’impossibilité de produire un document de circulation en attestant que :
- La personne protégée est en France et ne peut s’adresser aux autorités pour obtenir un passeport pour les membres de sa famille ;
- La demande se fait dans le cadre de la réunification familiale car un parent/enfant a obtenu la protection en France ;
- Qu’une demande de visa long séjour a été/va être introduite ;
- Si une demande de passeport a été introduite et refusée, joindre une copie des demandes et leur refus ;
- Qu’il n’est pas possible pour les membres de la famille introduisant cette demande de se tourner vers les autorités de leur pays pour demander un passeport en raison de craintes de persécutions, personnelles ou par « ricochet » s’il y a l’impossibilité pour l’État de produire un tel document.
La demande d’un laissez-passer peut se faire au moment de la demande de visa. Il a d’ailleurs davantage de chance d’être attribué s’il est demandé dans le cadre d’un visa long séjour en vue d’une réunification familiale. Sur la demande de visa en ligne, vous pouvez remplir la case dédiée au passeport avec les informations suivantes :
- Noter un numéro de passeport XXXXXX et une date de validité comprise entre la date de la demande et les dates de voyage envisagées ;
- Exprimer sur la prise de rendez-vous la situation d’absence de passeport.
À la suite de cela il faudra doubler d’un mail à l’ambassade/au prestataire en expliquant l’absence de passeport, l’heure et le jour du rendez-vous et l’introduction d’une demande de laissez-passer.
Aussi, Safe Passage France a récemment constitué un réseau d’avocat·e·s issu·e·s de différents cabinets afin d’accompagner les BPI afghan·e·s, résidant en France dans leurs démarches de réunification familiale. Outre l’accompagnement des familles, l’alliance a également une mission de plaidoyer pour faire valoir « un accès plus large et effectif aux voies sûres et légales de migration ». La liste des cabinets d’avocat·e·s partenaires peut être consultée sur la page LinkedIn de l’association. Vous pouvez également contacter l’équipe de pilotage par courriel à l’adresse suivante : projet-afghanistan@safepassage.fr.
Il existe également des jurisprudences favorables dans lesquelles il est question de jeunes majeurs qui risquent de se retrouver isolés une fois le reste de la famille arrivée en France dans le cadre de la réunification familiale, notamment en raison de leur vulnérabilité. Toutefois, il s’agit ici d’enfants majeures de BPI et non de frères et sœurs de BPI ou de parent. De plus, ce cas est extrêmement rare et n’a pas été appliqué récemment
Voici une liste non exhaustive de jurisprudences qui pourraient vous être utiles :
- Cour administrative d'appel de Nantes 25 février 2022 21NT00073 Inédit au recueil Lebon
- Arrêt de la CJUE (deuxième chambre) 12 avril 2018, A. et S. DA mineur devenu majeur
- Arrêt de la CJUE (troisième chambre) 1er août 2022, MNA devenu majeur pendant la procédure
- Cour administrative d'appel de Nantes 18 mars 2022 21NT00879 RF enfant de 27 ans avec handicap dépendant
Je suis désolée de ne pas pouvoir vous apporter d’éléments plus positifs et espère que ces renseignements sauront vous aider,
Bien à vous,
Laura PREVOST
Chargée de mission
Projet RELOREF - Réseau pour l’emploi et le logement des réfugiés*
France terre d'asile -Direction de l’Appui Juridique-DAJ