Bonjour,
J'accompagne une dame originaire du Soudan. Sa fille a obtenu le statut de réfugié et nous accompagnons Madame pour qu'elle obtienne une carte de séjour au titre de parent d'enfant réfugié. La Préfecture lui demande de fournir 2 documents d'identité (acte de naissance et passeport ou carte consulaire ou carte d'identité). Madame a un acte de naissance mais ni passeport, ni carte d'identité (à priori, elle ne peut en obtenir) et le Consulat ne nous répond pas concernant la possibilité de faire une carte consulaire.
Afin de fournir un 2ème document d'identité, nous nous sommes renseigné pour faire une demande de passeport. Il se trouve que cette demande est gérée par l'Ambassade du Soudan à Bruxelles (Mme a tenté par deux fois de s'adresser à l'Ambassade du Soudan à Paris mais elle ne gère pas ses demandes).
Cependant, Madame n'a pas de récépissé ni de titre de voyage. Nous avons demandé à la Préfecture s'il était possible de lui délivrer un papier qui lui permette de passer la frontière : impossible. Nous ne nous voyons pas de conseiller Mme d'aller à Bruxelles sans document. Nous allons saisir le Défenseur des Droits mais je ne sais pas dans quel délai nous pouvons espérer une réponse / aide.
Avez-vous rencontré une situation semblable ? Savez-vous s'il est possible d'obtenir une carte consulaire pour les Soudanais via l'Ambassade en France ? Avez-vous des conseils à nous donner dans cette démarche de demande de passeport à une Ambassade située en dehors frontières de la France ?
Je vous remercie d'avance.
Bonjour,
Tout d’abord, pour rappel, l’article L424-3 du Ceseda dispose que la carte de résident (le titre de séjour) délivrée à l’étranger∙ère reconnu∙e réfugié∙e, est aussi remise de plein droit à : « (…) ses parents si l’étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié, sans que la condition de régularité du séjour ne soit exigée ».
Un certain nombre de documents sont à fournir afin d’introduire une demande de titre de séjour en tant que parent d’un enfant réfugié∙e :
- Un timbre fiscal d’une valeur de 25 euros (avec justificatif de paiement) ;
- Pour information, ce tarif correspond à une exception accordée aux parents d’enfants réfugié∙e∙s. Les préfectures ne sont pas en droit de demander le tarif habituellement requis qui est de 225 euros.
- Un justificatif établissant le lien filiation avec l’enfant réfugié∙e ;
- Un justificatif de domicile datant de moins de 6 mois (ou déclaration de domiciliation) ;
- 3 photos d’identité conformes à la réglementation en vigueur ;
- Une copie intégrale de l’acte de naissance ;
- S’il y a, un justificatif de mariage ou d’union civile ;
- Un document d’identité : passeport, attestation consulaire, carte d’identité… ;
- Une déclaration sur l’honneur de non polygamie si Monsieur et Madame sont ressortissant∙e∙s d’un pays qui l’autorise ;
- Une preuve de la protection accordée à leur enfant : décision OFPRA/CNDA, carte de résident, récépissé, etc.
Or, le défaut de passeport n’est pas un motif valable de refus d’instruction de la demande de titre. En effet :
- L’article R431-10 du Ceseda dispose que « l’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ».
- Dans une décision de février 2017, le Tribunal Administratif de Bordeaux précisait que « les dispositions [de l’article R431-10] ne font pas obligation de ce dernier de produire un passeport, ni même un document officiel délivré par les autorités de son pays ».
- De même, la Circulaire du 5 janvier 2012, relative aux conditions de délivrance et à la durée de validité des récépissés et des titres de séjour indique que pour toute demande de titre de séjour, la présentation de « tout document attestant de manière certaine son identité » est suffisante et implique de considérer le dossier comme complet.
- Enfin, en 2020, le Défenseur des droits avait rendu une décision recommandant l’arrêt de l’exigence du passeport pour justifier la nationalité du demandeur comme « preuve exclusive ». Vous pouvez consulter la décision ici : Décision du Défenseur des droits n°2020-016 (defenseurdesdroits.fr)
Il s’agirait donc de développer ces arguments à travers une note à envoyer en LR, en démontrant qu’il suffit pour Madame de justifier son identité pour que son dossier soit recevable. De plus, Madame a entrepris des démarches en ce sens. N’hésitez pas à joindre les preuves des démarches effectuées pour appuyer sur le fait qu’elle a mis tout en œuvre pour obtenir lesdits documents.
Je vous conseille aussi de rappeler la conjoncture géopolitique actuelle, qui rend la situation d’autant plus complexe. Madame doit pouvoir jouir de son droit de se voir délivrer une carte de séjour étant donné que sa fille s’est vu reconnaître une protection. Or la situation empêche Madame de contacter l’administration soudanaise ou de se rendre dans son pays d’origine afin d’obtenir un passeport ou les documents nécessaires pour voyager, l’administration française ne devrait donc pas pouvoir lui exiger un nouveau document d’identité dans ce contexte.
En espérant avoir pu vous aider.
Bien à vous,
Anouk THOMÉ
Stagiaire
FTDA-Projet RELOREF - Réseau pour l’emploi et le logement des réfugiés*